Village
Cette construction date de 1910 environ.
Echelle pour entrer dans la maison
Les chamans
La purification sert à
défaire ou à restaurer les images et le
narcissisme
On projette l'analité sur
le
bouc émissaire et on le sacrifie
Autel aux Génies des bois
Autel dédié au bubale
Certains de ces
troncs ont une saignée. Ils servent à réparer la mort, la castration.
On tire plusieurs coups
de fusil
Tout le monde doit
participer aux funérailles
L'Interrogatoire
du
défunt permet de
rechercher
les culpabilités
L’exposition
du
mort
sur la place publique
La
danse de projection
animiste.
Des mottes de terre
durcie marquent l'endroit de la tombe
Cette chapelle dédiée aux
ancêtres s'appelle "un gardien"(de la famille). L'ancêtre devient Surmoi
L'héritier principal
reçoit du sel, la houe, la statuette de l'ancêtre
Les vieux vêtements de
deuil (des feuilles animistes) sont
enterrés avant une purification par l'eau.
On effectue un sacrifice
sur les statuettes d'ancêtres
La communion finale ouvre
la
fête.
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I
LE MILIEU
Les
hameaux des Birifors
s'étendent sur la région des trois frontières de Côte-d'Ivoire, de l'ex
Haute-Volta et du Ghana. Comparé aux autres hameaux birifors, Eteldouo
est un gros village de six habitations. Son fondateur s’y est établi
vers 1910 après des guerres tribales et depuis les familles s’y sentent
en sécurité et se sont agrandies.
Les
terrasses sont aussi belles qu'immenses. Certaines font près
de 300m de pourtour. Pour entrer dans la maison, il faut
monter sur la terrasse par une
échelle taillée dans un tronc d'arbre fourchu, puis redescendre dans
les pièces et les chambres. Dans la cuisine, les poteries de Gbalera
sont sculptées et bien
brillantes...
II
LA RELIGION
La société est gérée par la
coutume et par la religion.
La religion est au c½ur de la vie
birifore. Avant l'arrivée des
Européens, il n'y avait dans cette ethnie, ni chef de village ni chef
de région. La religion suffisait à structurer la société et toute
l'organisation sociale était maintenue par ses représentants les devins
et les chamans. La coutume
aussi exerçait sa pression par les conseils
des "vieux" (des anciens) et elle servait de loi implicite.
Les notions de
Surmoi
et d'Idéal social.
La notion de Surmoi social.
Le Surmoi social
désigne cette pression extérieure que la société exerce sur les
individus sous la forme d'interdits (de loi) ou de modes de
comportement en société. Dans le comportement quotidien, il
faut
être conforme à la religion et
aux traditions. Ainsi ces dernières servent de Surmoi social.
La religion
sert
d'Idéal à la
société.
La religion sert également
d'Idéal à la
société birifore. Un
chacun
se
doit de suivre cet Idéal! Il
faut être conforme à une certaine ligne du bien et du mal proposée par
la
société. L'Idéal social représente le schéma de vie ou le modèle à
suivre que propose une société ou un groupe ou une religion ou une
idéologie. Les individus doivent être conformes à ces schémas pour
rester dans le groupe.
Les notions de Surmoi et d’Idéal sont
fondamentales à la compréhension du fonctionnement psychologique
de n’importe quel groupe. Dans
l’évolution de l'adolescent, le Surmoi et l’Idéal
social sont destinés à être
intégrés et à disparaître. Il en est de même dans les sociétés. Le
Surmoi aboutit à une simple bonne
organisation du groupe tandis que l’Idéal gère l’avenir et
les projets du
groupe. Il faut toujours donner
de l’avenir aux individus d’un groupe quel qu’il soit!
Une religion animiste et de
culte des ancêtres .
Les Birifors pratiquent à la fois une
religion animiste et une religion
qui célèbre le culte des ancêtres. Il n’y a pas vraiment de dieu ni de
divinités et nous ne sommes pas encore au monothéisme. Cette religion
correspond un peu à celle que pratiquait Abraham qui faisait des
offrandes aux dieux des champs et qui commençait à faire des sacrifices
d'animaux.
Freud a donné le nom d'animistes aux
religions qui se fondent sur la
projection des sentiments (= des pulsions partielles) sur les
puissances divinisées de la nature ou sur les astres du cosmos. Les
Birifors projettent leurs propres émotions, leurs amours, leurs haines
et leurs malheurs sur les Génies de la nature qu'ils rendent
bienveillants par leurs offrandes.
Une même religion évolue selon un schéma
psychologique précis. Chez les
Birirfor, on peut observer l'évolution de l'animisme vers le culte des
ancêtres. Le culte des ancêtres est plus évolué que l’animisme.
Il est issu de la capacité de célébrer des funérailles et de faire un
deuil psychologique. Dans d’autres sociétés, le culte des ancêtres a
évolué vers le monothéisme.
Les chamans et les devins.
Dans la religion birifore, les chamans
ont
pour rôle d'exécuter les
rites qui résultent de la coutume et du Surmoi social. Les chamans
réparent par leurs rituels les manquements et les culpabilités. Ils
maintiennent ainsi la conformité aux interdits. Les devins gèrent
l'Idéal et les mythes. Les chamans et les devins exercent leurs rituels
à des autels bien différenciés.
Les chamans et les devins
effectuent des rites de purification de sacrifice et de communion.
La purification.
Comme dans
toutes les
religions du monde, les rites birifors sont d'abord liés à la
purification. La purification rituelle par l'eau est (faussement)
censée donner vie et narcissisme et par évolution une belle image et
une identité religieuse. Elle évacue ce qui est sale et impur. La
pureté par le sang (pathologique) aboutit à la purification ethnique.
La pureté du corps aboutit, sur le mode pathologique, à la pureté de la
race et elle peut conduire au racisme. Sur le plan pathologique, la
pureté des idées et des images peut conduire au fanatisme.
La
notion de narcissisme.
La vraie purification
psychologique sert à
défaire ou à restaurer les images et le narcissisme. Tout ce qui est
soleil, miroir, belle image, Idéal, identité,
plaire, séduction ou
plaisir est géré par le (bon) narcissisme. Le narcissisme donne - avec l'aide de la communion -
non seulement l'identité à
l'individu mais aussi l'identité aux ethnies, aux religions, aux sociétés ou à
un simple groupe. L'Idéal,
les
projets,
l'avenir, le plaisir, l'intérêt pour la vie en sont une
résultante. La purification a pour origine la nécessité pour le f½tus
d'être parfait pour être viable. Le f½tus reçoit la vie par le sang du
cordon ombilical et par l'eau du liquide amniotique et c'est le liquide
amniotique qui symbolise le narcissisme comme une eau qui donne la vie. La notion birifore de force "vitale" est
basée sur cette notion de narcissisme qui rend positive la vie.
Notons que chez
l'adolescent, la
purification est intégrée et disparaît psychologiquement au profit de
la sexualité qui est la seule vraie et bonne purification en tant
qu'échange de narcissisme de vie entre les corps des couples.
Le sacrifice.
Comme
dans toutes les
religions du monde, les rites birifors sont liés au sacrifice. Ces
rites
sont censés défaire ou réparer les pulsions (la castration). On
projette sur le bouc émissaire ou le mouton ce qui reste de sale après
la purification et on le sacrifie. Le sacrifice a pour origine le
besoin d’annuler la mort. (Les psychanalystes appellent cela une
annulation rétroactive de la castration anale). Le sacrifice a aussi
pour origine animale l'instinct de chasse par lequel l'animal sacrifie
sa victime. Le sacrifice religieux relève d'une mauvaise analité.
La
notion d'analité.
Le
cerveau reproduit l'image du corps et toutes ses
fonctions. Sur le modèle du ventre le cerveau a instauré
les fonctions
psychologiques que les psy ont appelés analité. Cette
dernière assume
la fonction de tri comme la digestion qui trie ce qui est bon pour
l'assimiler dans le Moi et ce qui est mauvais pour le rejeter comme les
excréments. Ce qui est pur et ce qui est sale en sont des
corollaires.
La notion de bon est a l'origine de tout ce qui est valorisé
lorsque
soi-même on a de la valeur ou de la puissance.
Le
mauvais
est à
l'origine de toute dévalorisation notamment lorsque les selles sont
confondu avec le vrai phallus ou avec un f½tus. L'analité assume
également la
fonction de maîtrise et de contrôle sur le modèle des sphincters. Une
troisième fonction de l'analité permet de faire la différence entre soi
et l'objet d'amour externe et selon qu'on leur donne de la valeur ou
non, permet de s'y attacher ou non.
Allié au bon
narcissisme une
analité positive donne un grand plaisir comme le chocolat ou comme
l'enfant sur son pot est content de sentir sa puissance. La notion
birifore de "force" vitale traduit une telle alliance de la puissance
anale et du narcissisme, de la puissance et de la vie.
La communion.
Comme dans
toutes les religions du monde, les rites birifors sont liés à la
communion. On peut dire que le mot communion est
presque l'équivalent du mot oralité qu'utilisent les psychanalystes.
Cette dernière fait la synthèse entre le narcissisme et les pulsions
orales. Elle permet d'introjecter, de mettre en soi ce qui a été
purifié, le narcissisme individuel, familial ou de groupe.
La
notion d'oralité.
L'oralité assure la gestion psychologique de l'instinct animal de faim
et elle le transforme en un système humanisé totalement automatique qui
assure un équilibre entre ce qui est bon et ce qui mauvais à manger, à
introjecter ou à laisser pénétrer dans le corps.
Oralité signifie d'abord manger la vie comme le foetus qui boit la vie
par le sang du cordon ombilical (signifié par le vin dans les
rites) ou par le liquide amniotique, l'eau de vie (comme
l'alcoolisme). Puis oralité signifie manger la vie comme le foetus
mange le corps (signifié par le pain ou le sorgho dans les rites) de sa
mère. On désigne le fait de manger le corps par le mot d'incorporation
(ou de vampirisme ou de cannibalisme lorsqu'ils s'agit de pathologie).
Les addictions tiennent de là leur origine. Les prises de drogue ou de
médicaments sont des incorporations. Plus tard, oralité signifie
introjecter le sein de la mère. De la synthèse entre les pulsions
orales avec le narcissisme, découle la notion du plaisir de la bouche
(comme l'enfant qui tète le sein).
Les perversions de l'oralité concernent
l'anorexie (ni la vie ni le narcissisme n'ont plus le droit de pénétrer
dans la bouche), la boulimie (l'analité et l'oralité forment un cycle
en autarcie comme chez le foetus), les déséquilibres métaboliques et
d'autres parmi lesquelles les carêmes et autres régimes comme
l'interdit de manger pendant le deuil des Birifors...
Lorsque le fait de
manger le corps de la mère est partagé, la communion crée une certaine unité
narcissique entre ceux qui boivent ou mangent entre eux. Les animaux qui font partie d'un même
groupe sont exclusivement ceux qui partagent les mêmes proies. Une
certaine identification s'établit entre eux. Alliée au narcissisme la
communion donne l'identité. Psychologiquement, la
communion est à l'origine du partage rituel qui permet aux participants
de s'identifier
les uns aux autres, de partager le même narcissisme maternel. Partager
le sein est à l'origine du narcissisme et de l'unité familiale. On mange à la
même table. A l'adolescence le groupe social remplace la famille. C’est
toujours la communion entre membres d’un groupe qui rassemble les
individus et leur permet de s’identifier entre eux ou à un ancêtre ou à
un chef charismatique, religieux, politique ou autre. Tout groupe social se maintient par une espèce
de communion qu'on appelle aussi communauté et qui fait l'unité du
groupe. Lors des funérailles le groupe birifor s'identie aussi au
groupe imaginaire des ancêtres morts.
Dans
l'évolution, la communion est d'abord un un cannibalisme puis une
introjection de l'objet, puis elle devient symbolique. A la fin
(normalement à l'adolescence) la communion disparaît psychologiquement
au profit de l'union commune des corps du couple qui s'embrasse et qui
partage la vie (le sperme).
D'une manière plus
générale...
Comme
toutes les ethnies et tout groupe (y compris celui du travail), toutes
les religions du monde se structurent autour de ce schéma de
purification, de sacrifice, et de communion. On ne peut pas comprendre
psychologiquement une religion si on ne comprend pas la signification
psychologique de ces trois rituels qui forment un tout indissociable.
Les autels.
Les autels pour faire des
offrandes animistes
Pour apaiser les Génies des bois, les
paysans Birifors suspendent des
calebasses dans les arbres. Ces autels dans la nature montrent bien
que, dans l'animisme, l'homme
se fond dans la nature. Ses craintes et
ses espoirs, ses bons et mauvais sentiments deviennent les bons et les
mauvais Génies de la nature
avant de se transformer en ses dieux et ses
démons. Les Birifors font des offrandes dans les champs aux
autels des puissances de la
nature. Ce sont les autels les plus anciens. Ces offrandes satisfont
l'oralité.
Les autels de
la
chasse
Les chasseurs birifors érigent des autels
à des animaux comme l'antilope bubale.
Ils
marquent
le
passage de l'animisme au culte des ancêtres et
au sacrifice d'animaux en leur honneur. On passe de la
cueillette à la chasse. Ces sacrifices satisfont
l'analité, le sacrifice étant une castration anale. Ces
autels introduisent à
une religion plus évoluée qui sait utiliser des rituels de sacrifices.
D'une manière plus
générale, le rituel du sacrifice évolue des offrandes, au sacrifice
humain, au sacrifice d'enfants, aux sacrifices d'animaux puis au
sacrifice signe et enfin au sacrifice symbolique. A la fin on n'a plus
besoin de sacrifices rituels du tout. Il en est d'ailleurs de même pour
les
rituels de purification et de communion.
Les autels des
ancêtres
Un grand nombre d’autels comportent une
motte de terre et une calebasse
à eau. Les mottes de terre sont des pierres tombales et elles
symbolisent la matière, la pourriture (l'analité) du mort. Parmi eux,
le plus grand nombre concerne les ancêtres. Les autels d’ancêtres sont
ceux qui comportent, en plus de la motte de terre, un petit tronc
d’arbre symbole de l’arbre généalogique. Certains de ces troncs ont une
saignée qui symbolise la castration qu'il faut annuler comme la mort
elle-même. Ces derniers autels servent aux chamans à faire des
sacrifices de poulets ou autres. Ces autels peuvent aussi être
représentés par des statuettes d'ancêtres comme un monument au mort.
Eriger des autels aux morts, suppose que l'on sache célébrer les
funérailles et maîtriser le deuil par des cérémonies rituelles.
Les autels des devins
concernent
la vie et la mort.
Lorsque le devin officie à son autel
divinatoire, les coquillages lui
servent de symbole de la naissance et de la vie. Les crânes d’animaux
symbolisent l'agressivité et la mort. A l'aide de ces objets
symboliques, les devins peuvent conjurer les jeux de vie et de mort. Certains
de
leurs
autels comportent des calebasses et des vases rituels
avec de l’eau. Ils symbolisent le ventre maternel avec son liquide
amniotique. Ils permettent de gérer la fécondité, la naissance, le
narcissisme qui donne la vie. Ils sont, pour les devins, l’équivalent
des boules de cristal des voyantes européennes. Les autels qui
comportent des poteries servent aussi à faire des rituels de
purification.
III
LES FUNERAILLES.
Les rituels de
funérailles birifores se situent au même niveau d'évolution
psychologique que les cérémonies pratiquées par les Egyptiens
vers les
années -1300 A.J.C. avec la projection du mort dans l’Au-delà et avec
son Voyage au Pays des morts.
LES FUNERAILLES
Au moment de la mort
A
l’approche de la mort, une "vieille" prend le mourant dans ses bras
parce qu'il faut mourir dans les bras d'une mère qui soit bonne. La
mort est vécue comme un retour (animiste) dans le ventre de la Mère
Nature.
A l'annonce de la mort, on tire plusieurs
coups de fusil bruyants en
l'air pour annuler les actions mortifères des mauvaises puissances. On
casse le manche de la houe-mortifères du défunt ou on brise le pot qui
a
servi à la défunte. La mort est vécue comme un morcellement (animiste)
des pulsions et des images.
Le premier sacrifice sert à calmer ce
morcellement des pulsions et des
images dû au décès.
On prend les vêtements du mort et on les
place sur le toit de sa
maison. Ils symbolisent l'image du mort dont le narcissisme s'est
retiré. Ils deviennent des objets transitionnels comme les doudous des
petits-enfants. Ces vêtements-chiffons feront la transition en
remplaçant le mort jusqu'à la fin du deuil.
Dès que la nouvelle de la mort est
connue, tout le monde doit accourir
à la maison du défunt. Personne ne peut se dispenser d’assister aux
funérailles parce que le rite est un organisateur social et la sortie
de la société (la mort) doit être contrôlée par les rites de
funérailles sociales.
Les balafonistes sont déjà installés et
les vieux leur jettent des
poignées de cauris, la monnaie traditionnelle, pour qu'ils aient du
courage pour jouer.
L'Interrogatoire du défunt
La mort
a nécessairement une cause et l'Interrogatoire du défunt,
permet de rechercher la culpabilité envers la Mère Nature et envers le
Père. Les jeunes gens frappent le linteau de la porte avec le brancard
sur lequel se trouve le mort, trois fois, s'il s'agit d'un homme et
quatre fois pour une femme. La position du brancard dénonce une
culpabilité ou non pour la question posée. L'Interrogatoire défait la
culpabilité de la mort. Un sacrifice sera exécuté pour chaque
manquement.
L’exposition du mort
Après
cette cérémonie, le mort est exposé sous l'Arbre public du
Conseil. La mort est socialisée. Par les rites, la société fait le
deuil, à la place des individus. Le mort appartient désormais à la
société. Sous cet arbre, le mort est décoré avec une casserole sur la
tête
(l’oralité), avec
sa houe (l’analité), et son arc (la sexualité). On met ses pieds dans
un pot rempli de cauris (l’argent, la puissance anale). On évoque tout
ce qu'il aimait dans sa vie ainsi que ses attachements et sentiments.
On lui souhaite de retrouver dans l'Au-Delà ses mets préférés, sa
richesse et sa puissance (= toutes ses pulsions partielles).
La danse de projection
animiste.
A la
fin de l’exposition du mort , les femmes exécutent une danse un
peu spéciale. Elles
s'approchent du cadavre en dansant mais, comme
si le spectacle était
trop dur à supporter, elles s'en écartent en chantant, pour s'en
rapprocher à nouveau. Soudain, elles courent violemment vers les bois
voisins et
elles y projettent tous les souvenirs et tous les sentiments. Les
images individuelles insupportables sont ainsi projetées dans la nature
parmi les Génies de la Nature qui sont des personnifications de ces
sentiments d’amour, de haine ou de toutes sortes de peurs.
Cette danse est psychologiquement de type
animiste. Elle est
importante. Elle permet la projection des pulsions partielles dans un
univers virtuel qui reproduit dans l'Au-Delà l'organisation de la
société terrestre.
En réalité cette projection animiste est
une forme de délire ou
d’hallucination. Dans l’évolution normale de l’enfant, la projection
sert à créer le miroir psychique, cette espèce d’écran sur lequel
l’enfant projette ses tensions, ses pulsions internes pour les
transformer en images et pour créer ce petit cinéma interne qu’on
appelle les fantasmes. Freud cite l’exemple d’un enfant qui fait un Jeu
de bobine. Quand sa mère le quitte, l’enfant fait partir puis revenir
une bobine. Ce jeu lui permet de calmer sa tension interne en
hallucinant le retour de sa mère. Cette capacité de projeter les
tensions pour les transformer en images est à l’origine non
seulement des fantasmes et du rêve mais encore de toute la pensée
humaine et de la capacité de l’homme à avoir un Idéal. Mais dans la
projection animiste des Birifors, le système est perverti. Ils croient,
en effet, que la projection n’est pas une hallucination mais que
l’univers virtuel de l’Au-delà est vrai et que les ancêtres morts y
survivent. La différence c’est que l’enfant sait très bien que ses
fantasmes ou ses jeux ne sont pas vrais et ne sont pas réels.
La mise en terre.
Seuls
quelques hommes procèdent à la mise en terre. Le mort est placé
en position de foetus dans la tombe comme pour un retour dans le ventre
maternel. A côté de lui sont placés les aliments pour le Voyage au Pays
des Morts. Des mottes de terre
durcie marquent l'endroit de la tombe
avant de disparaître avec le temps. Ces mottes montre bien que le mort
devient une pourriture, tel un excrément. Dans l’évolution, ces mottes
deviennent des pierres tombales. De molles elles deviennent dures.
Comme dans beaucoup de religions, les
autels sont une évolution de ces mottes - pierres tombales.
La
période
de
latence
Après
l'enterrement s'ouvre une période de plusieurs mois de
latence.
Le deuil provoque une certaine inhibition du narcissisme. Les images et
les identités deviennent ternes. C'est pourquoi chacun doit se faire
raser la tête. La veuve et les proches doivent s'enduire de cendres.
L'interdiction de manger certaines viandes correspond à l'interdiction
d'introjecter le cadavre (comme un excrément). Le travail et certaines
activités sont réduits. L'oralité et l'analité sont ainsi réduits.
Toute l'énergie doit être utilisée à réparer le deuil.
Le voyage au Pays des morts
Pendant
cette période de latence, le Voyage du mort marque les étapes
de la séparation progressive du mort avec les vivants.
Le purgatoire est une
dénarcissisation et de désanalisation du mort
Les pulsions et les images du défunt se
défont morceau par morceau par
la projection (animiste) dans l'Au-delà. Le Voyage du mort est d’abord
décrit comme un purgatoire qui fait suivre au défunt toutes les étapes
de dénarcissisation et de désanalisation du mort. Ce sont là des termes
psychanalytiques qui veulent dire que le mort perd petit à petit son
image, son narcissisme de vie et qu’il est réduit à l’état de
pourriture excrémentielle.
Certaines purifications permettent cependant de sauver un
peu de
narcissisme au
mort en le réduisant à une âme errante, à un fantôme. De même certains
sacrifices lui refont un peu d’analité ou de
vie (si l’on préfère). Les aliments offerts au mort dans de petites
poteries mis dans la tombe permettent, à ce moment, de sauver
illusoirement l'oralité du mort.
Nous voyons là la finalté profonde de
la
purification, du sacrifice et de la communion. Ils ont pour moteur le
désir d’annuler la mort, de refaire le narcissisme et l’analité au
profit de la communion et de la cohésion sociale.
L'ancêtre devient Surmoi et
Idéal pour la société
Lorsque les funérailles sont assez
avancées, les pulsions et les
images du défunt sont
repersonnifiées sous la forme d'ancêtre parmi les autres puissances
surnaturelles de la Mère nature. Dès
lors le mort prend sa place parmi les ancêtres dans un monde virtuel reconstitué
à l’image de
la société terrestre birifore. Désormais, il peut énoncer
ces oracles des ancêtres qui disent par la voix des devins ce qui est
bien et ce qui est mal pour les vivants. Il condamne ceux qui
n'observent pas les coutumes. Il devient ainsi juge,
gardien, loi
invisible, Surmoi et Idéal social. C'est de cette manière que les
funérailles
religieuses
structurent
la société en instaurant le Surmoi social et l’Idéal social.
Retour au Paradis du
ventre
maternel
A la fin du voyage, le
défunt
retrouve
une espèce de paradis perdu qui
ressemble à un ventre maternel et qui lui redonnerait la vie. Certains
mythes suggèrent même l’idée de réincarnation. Mais le défunt ne
retrouve qu’un certain narcissisme, il ne retrouve pas son corps.
La distribution de
l’héritage structure le
type de famille et de
société.
Pendant
la latence, l’héritage est redistribué.
L’héritage reconstruit
l’analité perdue du défunt , sa puissance est
reconstruite puis
transmise. L'héritier principal reçoit la statuette de
l'ancêtre, le
phallus paternel. Chez les Birirfor, cet héritier est le neveu
de la
première femme et de ce fait-là, la société
sera matrilinéaire. Dans
d’autres sociétés, c’est le fils
aîné du père qui hérite et la
société
sera patrilinéaire. Ainsi les funérailles structurent le
type de
société et le type de famille en désignant la
hiérarchie familiale et
sociale.
Le
système de
purification-sacrifice-communion s’inverse.
Vers la fin de la latence le
système
de
purification,
sacrifice et
communion s’inverse progressivement. De négatif il redevient positif. La
purification
négative
a
enlèvé son narcissisme au mort jusqu’à le réduire à une
âme, à un fantôme. La fête finale, au contraire, demande un apport
massif
de narcissisme et d'images pour refaire le narcissisme des personnes en
deuil. Le sacrifice a permis d'enlever au mort son analité,
sa puissance. Maintenant il faut restituer au personnes en deuil un
phallus puissant. Dans les funérailles, on mange le mort.
Or à la fête finale on
échange la vie, on communie à la vie. Les rites qui
concernent les aliments
donnés pour le Voyage du mort
aboutissent à la communion à l'ancêtre. La projection propre au deuil
est
remplacée par l'introjection orale, c'est-à-dire la communion.
La
clôture des
funérailles.
La
clôture des funérailles marque l'aboutissement et l'apothéose de la
purification, du sacrifice et de la
communion.
Les rites liés à la purification restaurent le
narcissisme.
Les veuves
se placent sur le trou où ont été enterrés les objets transitionnels.
Elles se déshabillent de leurs vieux vêtements de deuil qui y seront
enterrés aussi. Puis elles sont lavées rituellement par l'eau. Après
cette
cérémonie,
les
veuves et la famille sont
revêtues d'un nouvel habit,
signe de leur image narcissique et de leur
identité retrouvée.
Les rites du
sacrifice commencent par
ceux où l'on substitue
aux objets
transitionnels du mort une statuette d'ancêtre, phallus anal, fétiche
et factice. Sur ces statuettes, on effectue un sacrifice.
Alors que les
précédents
rituels étaient de type animiste par ce sacrifice, on revient au culte
des ancêtres.
Après
lui avoir refait un certain narcissisme pour qu'il soit mangeable, on
communie au mort devenu ancêtre. Ce rite lui donne une nouvelle place
dans la famille en deuil et dans la société. A la
fête finale, les chamans trempent la blanche pâte de sorgho dans la
sauce, la presse sur le trou du mort et la donne à l'héritier.
Puis, les chamans en donnent à la famille et finalement tous les
participants se font un repas de fête.
La fête finale.
La fête
et un équivalent social de la synthèse sexuelle. De nouvelles
dimensions s'ajoutent au système anale. La musique et
la danse y forment un rituel de l'image acoustique et motrice comme les
danses nuptiales animales. La cénesthésie permet de nouveau aux
personnes en deuil de faire la cour et d'avoir le contact pour aboutir
à la fusion sexuelle entre les corps. La fête libère sur un mode social
les veuves ou les veufs pour une nouvelle sexualité. Symboliquement, on
remettra aux veuves des coquillages et un vase avec de l’eau. Les
cauris symbolisent la sexualité retrouvée tandis que le vase leur rend
leur fonction de maternité. Les veufs recevront une houe symbole
phallique de puissance au travail.
La famille du défunt est heureuse de se
retrouver ensemble et en communion avec les
villageois. On danse, on mange, on boit la bière de sorgho et on
oublie la douleur de la mort.
Avec cette fête, s’achève le travail du
deuil.
En
guise
de
conclusion
Nous
voici
donc
à la fin de notre recherche. La difficulté de ce texte a été
d'appréhender comment la société birifore était en prise avec ses
angoisses de mort et ses pulsions de vie. Le mort est dépouillé de son
narcissisme et de son analité. Aussitôt les pulsions de vie se mettent
en oeuvre pour en sauver le minimum de "force vitale". Avec quelques
restes de narcissisme et d'analité, ces pulsions de vie construisent un
monde halluciné et imaginaire, un monde de Surmoi et d'Idéal. Lorsque
la vie reprend le dessus, la société fait la fête pour refaire briller
son narcissisme et pour faire revivre ses structures et ses contrôles
par l'analité.
Dans ce travail, une première grande satisfaction a
été de découvrir
que l'individu n'a pas besoin de ce système social illusoire. La
deuxième satisfaction a été de pouvoir constater que la psychanalyse
est un outil vraiment bien adapté pour appréhender la réalité des
fonctionnements des groupes et des sociétés et de leur réalité
psychologique.
e souhaite que ce texte facilite le travail de ceux
qui veulent
comprendre le fonctionnement psychologique des groupes ou des sociétés
et je les remercie de m'avoir suivi dans ce cheminement.
FIN
Texte et images
tous droits réservés
Copyright Erbs Alfred
déc 2004-nov 2011
alfrederbs@gmail.com
http://www.psychanalyseerbs.com/
La suite de ce travail concerne les initiations d'adolescents.
|
Soukala
Les terrasses
La cuisine
Sur cette photo, un
devin officie à son autel
divinatoire
La communion (l'oralité) est à l'origine de
l'identification entre membres d'un groupe
Calebasses dans les arbres
Les autels d'ancêtres
avec mottes tombales
Cet autel comporte des poteries rituels divinatoires. Ils
concernent la naissance et tout ce qui a trait à la vie.
Il faut mourir dans les bras
d'une mère qui soit bonne
Le premier sacrifice
On place les vêtements sur le
toit
Les balafonistes
La danse de
projection
animiste sert à projeter le mort dans l'Au-delà.
Chacun doit se faire
raser la tête
Le mort devient ancêtre
Les veuves reçoivent un nouvel
habit (et une nouvelle image narcissique)
Les chamans partagent la
blanche pâte de sorgho.
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